-Notes

 

 

Aujourd’hui ce sont des cinéastes américaines qui réalisent les westerns, Chloé Zhao, Kelly Reichardt et, ma préférée, Debra Granik.

Appropriation culturelle. Tout ce qui a été créé par un être humain appartient à tous les autres.

On croit qu’il n’y a pas pire qu’un journaliste sportif jusqu’au moment où l’on entend un commentateur politique.

Chaque personne, chaque être, chaque chose est une divinité possible. Elle ne devient réelle que si on fait le geste de la rencontrer.

“Non pas le Bien et le Mal, mais le Grand et le Bas.”, dit Jean-René Huguenin - Aucun des quatre en fait.

Quelques mots à propos des actions « écolo-muséales » de la fin 2022.
Je ne suis pas particulièrement choqué par ces interventions dans la mesure où elles n’abiment rien. Ce qui me gêne, c’est l’absence de logique. Il me semble qu’il doit y avoir une relation forte entre la « forme » et le but d’une action. Sinon elle n’a pas de sens.
Lorsqu’il a été refusé à des ouvriers italiens d’une usine de chaussures de constituer une section syndicale dans les années 70, ils n’ont pas arrêté la production mais n’ont fabriqué que des souliers gauches. C’est cohérent (et assez rigolo).
Quand des militants (je n ’aime pas le mot activiste qui oublie justement le but de l’action pour ne parler que de l’action en tant que telle comme si elle avait une valeur en soi) se collent sur une autoroute, à l’entrée d’un tunnel ou d’un pont pour dénoncer en la bloquant la circulation automobile responsable de 12% de l’émission des gaz à effet de serre, c’est logique. Quand des militants recouvrent l’œuvre d’un paysagiste anglais de sa version détruite par toutes les pollutions, c’est logique.
Même si je n’approuve pas qu’on attaque un tableau au hachoir, Mary Richardson mène en 1914 une action féministe conséquente en s’attaquant à la Vénus au miroir de Velasquez dans la mesure où ce tableau présente une image de la femme qu’elle juge dégradante. Elle cherche aussi une symétrie : “I have tried to destroy the picture of the most beautiful woman in mythological history as a protest against the Government for destroying Mrs. Pankhurst [une des dirigeantes des  « Suffragettes » qui avait été condamnée à une peine de prison], who is the most beautiful character in modern history.”
Quand des militants lancent des produits divers (soupe,…) sur des tableaux pour dénoncer l’utilisation des énergies fossiles, je ne vois pas la logique.
Si au moins c’était des dérivés du pétrole (on me dit que ça s’est produit au moins une fois), il serait logique de revendiquer : nous salissons la beauté dans l’art comme avec le produit même qui la salit dans la nature. Là, OK.
On me dira sans doute afin de justifier la soupe que c’est pour dénoncer le fait qu’on protège plus les œuvres d’art que les hommes. Je ne puis m’empêcher de trouver cet argument un peu controuvé. Et cette justification n’exprime aucun rapport de cohérence entre la forme et le fond de l’action.
C’est aussi pour attirer l’attention médiatique sur les enjeux de l’utilisation de ces énergies fossiles, me dit-on. Mais en fait, ces problèmes, on en parle tout le temps. Chirac et Macron ont récité de beaux discours, je ne sache pas qu’ils aient fait quoi que ce soit. En fait on ne cesse d’en parler, en faire parler un peu plus n’est pas le problème, n’apporte rien. C’est ce que veut dire Greta Thunberg avec son « blah blah blah ».
Finalement ces activistes (je les nomme ainsi volontairement) ne font que rajouter au blah blah blah.

Toute limite est vapeur, dit Tardieu. Mais ce matin la brume marquait un frontière nette dans les champs, exactement perpendiculaire à la route

Massage et caresse. Dans les deux cas, c’est l’action d’une main sur un corps. Dans le massage c’est la main qui commande, dans la caresse c’est le corps.

Une de mes amies m’a dit à propos de son mari : « Il m’aime comme j’ai envie d’être aimée. » Moi je ne sais pas comment je veux être aimé. Ce n’est pas à moi de le décider, c’est à l’autre d’inventer comment m’aimer.

À la même question, des sciences différentes peuvent donner des réponses différentes. Exemple : Sapiens et Néandertal sont-ils la même espèce ? L’anatomiste répond non, regardez ces arcades sourcilières, elles ne se ressemblent pas. Le paléontologue dit que les outils sont trop différents pour appartenir à la même espèce. Et Néandertal ne dessine pas dans les cavernes (encore qu’une possible récente découverte crée un doute). Le biologiste pour qui la définition d’une espèce est « un groupe d’êtres vivants capables de se reproduire entre eux et dont les descendants sont féconds » note que Néandertal et Sapiens remplissent ce critère puisque nous avons en nous de l’ADN de Néandertal.

Pourquoi Rome a-t-elle conquis le monde ? D’abord à cause de la structuration extrêmement efficace, de l’armée, de la société, du monde conquis. Ensuite, et la structuration le rend aussi possible, la capacité à emprunter ce qui vient des autres et à simplement les intégrer : les cultes de Cybèle ou Mithra mais aussi bien la méthode de la tortue inventée par les Gaulois. C’est qu’aussi, troisième point, ils ont développé en permanence d’un bout à l’autre de leur histoire une violence extrême de manière globale, ce à quoi les autres peuples, qu’ils traient de barbares, n’étaient en rien habitués, qu’ils ne pouvaient pêut-être même pas concevoir. Premier épisode de la conquête de la Gaule : César fait passer au fil de l’épée 50000 Helvètes, des femmes, des vieillards, des enfants, qui ont la malchance d’être du mauvais côté de la Saône. Enfin, et c’est l’essentiel, les Romains ont conquis le monde parce qu’ils voulaient le conquérir. Ils sont les premiers, les Gaulois ou les Germains se contentaient de razzias, les Grecs ou les Phéniciens établissaient des comptoirs pour commercer ; même Alexandre s’est contenté de parcourir le monde en semant des villes nommées d’après lui ; somme toute c’est plutôt un explorateur. Les Romains, eux ont décidé de conquérir le monde, « pour faire rentrer l’argent », dit D. H. Lawrence.

L’utopie c’est pratique. Ça évite d’avoir à changer le réel.

Cinq fonctions d’un mur de fortification, défensive (t’entreras pas), symbolique (ici c’est chez moi), ostentatoire (t’as vu comme je suis riche et puissant), esthétique (putain, ça a d’la gueule) et aussi, on l’oublie trop souvent, enfermante (empêcher ceux qui sont dedans ou autour de partir).

La torture n’apporte que rarement de bons renseignements. Un exemple historique : les semaines précédant la bataille de la Somme, les Allemands et les Anglais traitèrent très différemment leurs prisonniers. Les Britanniques les torturaient purement et simplement. Les Allemands au contraire les traitaient correctement et engageaient avec eux des conversations entre officiers, entre soldats, autour d’un thé ou d’une bière. Grâce à cela (et à d’autres choses, il est vrai), ils eurent une connaissance approfondie des projets des Anglais, lesquels n’avaient aucune idée de ce qui les attendait : vingt mille morts en 4 heures. Alors pourquoi torturer ? Pour faire souffrir. Pour anéantir l’humanité de l’autre. Pour le plaisir.

Il existe peut-être des questions pratiques, mais pas de réponses pratiques.

Le terme de « big bang » a été inventé par un critique de cette théorie.

Un État, une mafia qui a réussi.

Dans la Russie tsariste, on n’ajoutait rien à la peine d’un prisonnier qui tentait de s’évader. On estimait qu’il n’y avait pas de faute et qu’il était normal, voire honorable, qu’un homme tente d’échapper à l’enfermement.

Ma mère a adhéré à une association de parkinsoniens. M’en parlant l’autre jour, elle s’est étonnée que le président national, pourtant fort (puisque président), soit quand même tombé. Vision du pouvoir.

L’éternité : un point ; l’infini : un point. L’illimité n’est que dilution.

Les sciences d’aujourd’hui ouvrent des abîmes sous nos pieds : la relativité et le jeu avec le temps, la mécanique quantique et le paradoxe permanent, la théorie du chaos et sa pensée de l’imprédictible. D’autres s’efforcent de refermer ces abîmes, en utilisant leurs données : le modèle du big bang rassure en installant un point fixe, l’idée de la complexité croissante nous place encore au sommet de la création. Ravaudages.

En finir avec le mythe de l’artiste maudit, méconnu, rejeté des hommes de son temps et redécouvert après sa mort. Type : Van Gogh. Il n’aurait vendu qu’un tableau dans sa vie (fonctionnement du mythe : n’en vendre aucun est moins bien. Un seul, et c’est la perfection de la légende). Mais on oublie que deux oncles de van Gogh étaient marchands de tableaux (il a d’ailleurs travaillé chez le successeur de l’un d’eux) et que son frère Théo, cet autre lui-même, exerçait également ce métier. Si Van Gogh avait voulu vendre des tableaux, il en aurait vendu. Mais cela ne l’intéressait pas, c’est tout. Et c’est par là qu’il est Van Gogh, par la passion de peindre qui n’a pas d’autre horizon que la peinture.

« Quelle folie d’être attentif à l’histoire ! — Mais que faire lorsque l’on a été transpercépar le temps ? », lorsque l’on esttranspercé par le temps.

Dieu a créé l’art, le diable a inventé la culture.

Un journaliste le lendemain de la mort de Cioran : « Il est bizarre qu’avec tout ce qu’il a écrit, il ne soit point suicidé. » Est-il moins bizarre qu’avec tout ce que Cioran a écrit, ce journaliste ne l’ait pas lu ?

Nous passons notre temps à exiger des autres qu’ils soient absolument logiques et rationnels, ce que nous nous gardons bien d’être. D’ailleurs cette simple exigence est irrationnelle.

Agir lentement ou instantanément. Ne jamais aller vite.

Nous agissons avec les autres comme les paléontologues avec les os des dinosaures. À partir d’une vertèbre, ils reconstituent un animal entier. À partir d’un trait de caractère, d’un goût, d’un fait observé nous décidons ce que doit être une personne. Si elle aime telle chose, elle ne peut être que telle et telle. Or une simple goutte de lucidité nous montre que nous nous trompons. Chaque fois. N’importe quel goût, trait de caractère, peut entrer en composition avec n’importe quel autre que nous estimons incompatible. Mais telle est la folie que nous persistons, que nous construisons (toujours) des systèmes.

Popper : ce qui explique tout est une religion ; ce qui peut se tromper est de la science. Ajoutons que ce qui n’explique rien est un système philosophique.

Deux formes de langage détestables, parce que tyranniques

  • la négation restrictive (L’art n’est que…)
  • la forme interronégative (N’êtes-vous pas d’accord pour dire que…)

La victoire de Samothrace louchait, paraît-il.

Le monde est plein de parole inutiles. Elles colmatent les fissures par où la lumière entre. À cause d’elles nous vivons dans l’obscurité.

Chez Victor Hugo deux personnages vivent sans autre horizon que la règle morale ; ils se suicident tous les deux, l’un pour ne pas l’avoir respecté jusqu’au bout (Javert), et l’autre pour l’avoir respecté jusqu’au bout (Cimourdain).

Savait-on ce qui se passait dans les camps nazis ? Il y a savoir et savoir. Ceux qui disent avoir tout ignoré, l’existence de ces camps et ce qu’on y faisait, ceux-là sont des menteurs, ou bien ils n’ont pas voulu savoir. Quant à se représenter Auschwitz, qui pouvait le faire ? Qui peut aujourd’hui ? Les crimes nazis sont protégés de la connaissance par leur horreur même. Ils ne sont pas crédibles.

Il n’existe aucun rapport entre valeur et succès. Ce qui a de la valeur peut avoir du succès ou non. Ce qui n’a pas de valeur peut rencontrer le succès ou non.

Il n’existe aucun rapport entre progrès scientifique et technique d’une part, progrès moral et bonheur de l’autre. Cette relation ne peut tout simplement pas être pensée. Oublier d’un seul coup Renan et Rousseau.

Freud dit que dans la lutte entre Éros et Thanatos, l’acte sexuel est du ressort de Thanatos, qui vise à se débarrasser de cellules porteuses de désir de vie, d’Éros. Symétriquement l’acte de donner la mort (à soi ou à d’autres) serait-il du ressort d’Éros ?

Épicure-Bouddha : les dieux, s’ils existent, ne s’intéressent pas à nous, ils ne sont que des modèles. Seul compte le réel, qui existe et en même temps, n’existe pas.

Nous ne vivons pas à l’ère de l’image. Contrairement à ce que l’on pense, la reproduction de l’image et sa grande diffusion n’ont rien de nouveau. Cela commence avec la xylographie au XIVe siècle. Ce qui est nouveau à notre époque, c’est la reproduction du son et sa diffusion à longue distance. Cela commence avec Edison et Graham Bell.

1620 : l’écrivain Ben Jonson et l’architecte Inigo Jones eurent une âcre dispute. Ils étaient tous les deux chargés, dans leur domaine, de l’organisation des fêtes royales : Jonson écrivait les textes et Jones avait en change la scénographie. Ils se querellèrent pour savoir duquel le travail était le plus important. Et voici notre grand sujet de discussion moderne entre les mots et les images. Toujours déjà là. Sans doute les prêtres du néolithique râlaient-ils déjà contre ceux qui au lieu de psalmodier des invocations magiques peignaient les murs des grottes. Me frappe plus la chose suivante : il devait bien y avoir aussi un musicien chargé du son dans ces fêtes royales ; celui-ci ne fut pas mis en cause et ne participa pas à la dispute.

Le multimédia : nous en faisons tous : la télévision, le cinéma, le théâtre, les livres illustrés, cela est déjà du multimédia. Une conversation même, puisque nous nous voyons et nous nous entendons en même temps. L’amour qu’on fait comme multimédia parfait, tous les sens étant concernés. L’anthropophagie aussi.

Il est pour moi dans le Tartuffe de Molière des scènes qui s’approchent aussi près de la terreur pure que l’écriture humaine le peut. Cette terrible déclaration d’amour à Elmire dans l’acte III, où il mélange dans le même vocabulaire l’amour des choses temporelles et celle des spirituelles et lui promet au nom de sa dévotion « de l’amour sans scandale et du plaisir sans peur ». Et la scène suivante, où, accusé par Damis, il se justifie aux yeux d’Orgon en lui disant sur lui la vérité, toute la vérité, « la vérité pure est que je ne vaux rien ». Mais la scène la plus terrifiante est sans doute la dernière, celle où l’imposteur est démasqué par le prince, car alors c’est comme si Molière nous disait que Tartuffe ne peut être vaincu que par un plus grand Tartuffe.

Qu’y a-t-il entre deux ? Entre deux il y a tout. Rien n’est d’un seul côté. Il y a tout aussi parce que tout est en mouvement. Et quand on bouge on est toujours entre deux.

Dans certains pays où la prostitution est interdite, les hommes peuvent louer des femmes qu’ils épousent le soir et répudient au matin.

« Cesse de photographier les choses ! Regarde-les ! » Mais je ne fais que ça, je ne les regarde, je ne les photographie pas. C’est mon regard que je photographie.

Comment jouait Eric Dolphy. Tout est faux, et tout est juste.

Free Jazz. Libre mais aussi gratuit.

Le christianisme ne s’est jamais établi. C’est resté une religion de surface, recouvrant mal les “paganismes” locaux. D’où l’engagement constant de l’Église aux côtés des pouvoirs politiques pour asseoir sa position.

Villes. A Paris je rayonne, à Toulouse je tourne en rond, je m’étire à travers Saint-Étienne.

La brique à Londres et la brique à Toulouse.

Regarder en haut dans les rues. Souvent une ville n’a pour notre regard que deux dimensions, on la voit en s’y déplaçant à hauteur d’homme. manque la profondeur, le haut et le bas. J’en excepte les ZUP et autres viles nouvelles qui ont fait de cet oubli un de leurs cauchemars.

Le christianisme et le bouddhisme zen se rejoignent dans le refus de la logique binaire. Le christianisme par le paradoxe (les ouvriers de la onzième heure, dieu exécuté comme un esclave), le zen par le mépris.

Cesser de justifier mes actions de leur trouver des mobiles, travail de flic.

Le monde est une dialectique folle à laquelle maque la synthèse.

Parvenu au centre du labyrinthe, je ne suis nulle part.

Assez d’art du sentiment ou de l’idée. Ne plus ressentir, ne plus penser. Un art de ce qui ne se voit pas, du détail, de l’irisation. Tout se joue dans la fraction de seconde. Le sans-intérêt.

La continuité du jeu de Charlie Parker et de sa sonorité, recherche de l’instabilité. Dans chacun de ses morceaux on sent le début d’un autre, a dit [?].

Statistiques, études, sondages, perdre le contact avec les choses, l’intuition.

Le pouvoir est une illusion de ceux qui le subissent.

“Celui qui construit une église est un imbécile. Celui qui la détruit aussi.”

La seule erreur est de croire en la réalité la seule illusion est de la nier.

Et s’il n’y avait ni hasard, ni explication.

Le sens de l’Histoire ne nous fera jamais marcher que de Bastille à Nation.

S’il existait un monde simple, cohérent, on pourrait juger, exclure, mépriser.

Notre monde sans repères bouge mais ne change pas.

Seulement des choses, ni belles, ni laides, des choses à regarder, à prendre, à échapper. Elles se content d’être là. Toutes différentes.

S’il est un point où se rejoignent les activités et les savoirs humains, ce ne peut-être que l’inconnaissance et l’indécidable.

1984, massacre du stade du Heysel. J’entends dire que cela n’était pas prévisible. J’étais à Bruxelles ce jour-là, en visite, et dans l’ignorance totale qu’un match de foot quelconque devait s’y dérouler. Partout des gens en rouge ou en noir et blanc. Grand Place, rouge et littéralement couverte de canettes de bière. On marche dessus. Je n’ai jamais visité la place de Broukère, où se trouvaient probablement les supporters italiens. J’ai eu peur tant l’ambiance de la ville était folle, j’ai sauté dans ma voiture et je me suis enfui.

S’il existe un bien et un mal, la frontière qui le sépare ne passe pas entre les actes, les sentiments, les hommes ou les civilisations, mais à l’intérieur des actes, des sentiments, des hommes et des civilisations.

Vu une pièce sans intérêt, mal jouée. Mais, un instant un coin de nappe s’est soulevée et est retombée lentement, soutenue par le courant d’air. Pour un art de l’inaperçu, à la limite de la perception.

Mais probablement il n’existe ni bien ni mal objectivement décidables. L’univers s’en moque, quoiqu’en pense la conscience de l’homme.

L’ennui avec les gens qui changent d’idée, c’est qu’ils ont quand même toujours eu raison.

Né en 1621, La Fontaine est donc le contemporain de Molière pour qui il nourrissait une profonde admiration. Ils furent amis. Ils se rencontrèrent chez Fouquet, lors des fêtes à Vaux qui provoquèrent la perte de ce dernier, car leur magnificence avait blessé le jeune Louis XIV. ils s’affirment d’ailleurs chacun dans leur catégorie comme le dernier poète ; La Fontaine comme poète lyrique et narratif dans le discours à Mme de La Sablière (discours de réception à l’Académie française) ; c’est sans doute là le sens profond du Scapin et de Dom Juan : tous deux meurent (la mort de Scapin n’est pas moins réelle que celle de l’abuseur de Séville puisqu’il meurt pour éviter la corde ; on sait par ailleurs que cette mort s’inspire et rend hommage à celle de Cyrano de Bergerac, grand rêveur et grand créateur ; Don Juan échappe à la mort par le châtiment et Scapin au châtiment par la mort) parce qu’il ne peuvent plus créer. La Fontaine et Molière témoignent ainsi tous deux et protestent contre la stérilisation qu’un demi-siècle de pouvoir absolu et de classicisme imposèrent à la littérature française. On sait à quel point l’avenir leur donna raison. A la suite de l’aventure Boileau-Racine, il fallut la vague romantique, avec toute son écume, pour que la poésie retrouve quelques lettres de noblesse. Et encore le secret de l’expression simple était-il perdu.

Pour chacun, le monde dans lequel il vit est, non pas le plus beau, ni le plus intéressant, mais le seul vrai. Le seul existant en fait.

On s’étonne que les électeurs votent encore pour des politiciens notoirement corrompus (Tibéri, Balkany, etc.) Pourtant c’est facile à comprendre : on vote pour qui vous protège. Si ceux-là ont été suffisamment forts pour ne pas tomber bien que malhonnêtes, alors ils ont prouvé leur force et qu’ils seront de bons protecteurs.

Depuis que Gide a écrit que c’est avec de bons sentiments qu’on fait de la mauvaise littérature, c’est fou le nombre de ceux qui croient faire de la bonne littérature parce qu’ils croient savoir exprimer de mauvais sentiments.

On ne s’exprime pas, ce sont les citrons qu’on exprime.

Musique, jouer/chanter juste est nécessaire mais pas essentiel.

Le social-libéralisme, c’est nager dans une piscine pleine de requins pendant qu’une femme vous tricote des mitaines sur le bord.

Rafle du Vel d’Hiv, meurtre de Maurice Audin, l’État reconnaît ses torts et demande pardon pour se donner le droit de refaire. Après les républicains espagnols, les réfugiés syriens.

Pour qu’il y ait couleur, il faut un objet coloré, de la lumière, et un œil. Comme tout ce qui tient debout sur cette terre, donc, la couleur est un triangle. Au premier sommet, l’objet coloré, en fait le pigment, pour réduire les choses à leur plus simple expression. Aux deux autres la lumière et l’œil. Par lumière, il faut entendre l’ensemble du monde physique, en tant qu’il est complètement mesurable et absolument mystérieux, l’univers qui est capturé par nos instruments scientifiques et échappe à notre esprit. De même derrière l’œil, il faut imaginer tout le corps, et l’esprit aussi bien, l’humanité tout entière et en nous. Goethe essaie d’expliquer la couleur par l’œil, Newton par la lumière.

Et si la réalité n’existait pas. Voilà bien une trouvaille de photographe.

Nous avons tous vécu ces longues discussions dont le but, au moins apparent, est de décider si telle voiture, tel vêtement qui sèche sur une corde à linges est vert ou bleu. Cela dure parfois longtemps et chacun prend des exemples dans l’environnement, « Et ça, c’est bien vert, non ? ». Une tierce personne, ou l’un des deux, finit toujours par dire, de guerre lasse, que c’est turquoise, bleu-vert, ce qui explique tout, ne résout rien, fait taire tout le monde sans satisfaire personne.

Les couleurs sont-elles des données naturelles objectives ? Bien sûr que oui. Voyons-nous tous les mêmes ? Ce n’est pas sûr. Alors ? Ne parlons pas du daltonisme ou des plus répandues dyschromatopsies. Les Grecs anciens n’en étaient pas tous atteints (il ne semble pas qu’une civilisation tout entière puisse être daltonienne), et ils ne voyaient pas le bleu. Du moins on peut le supposer, car ils n’avaient pas d’adjectif pour le désigner. Celui que l’on utilise en général pour traduire le mot français, kuanéos, désigne un bleu très sombre qui va jusqu’au noir. Glaucos qualifie d’abord la mer qui brille et en vient à signifier bleu gris ; huakintinos est la couleur de l’hyacinthe, pierre précieuse parfois bleu foncé, le plus souvent d’un pourpre sombre qui tire sur le noir. Pourtant on trouve bien du bleu sur les fresques grecques. Que peignaient-ils ; ou que croyaient-ils peindre ?

On ne peut pas parler de la couleur. On ne peut que la faire parler.

Qu’est-ce que l’absence de couleur ?

Le prix à payer pour les possibilités anatomiques de phonation et d’articulation du langage chez l’homme est la perte de la possibilité (que possèdent les animaux et les bébés) de manger en même temps qu’on respire.

Kafka est un humoriste, ses amis se tordaient de rire dans les soirées où il leur lisait ses textes.

Apprends le chacal, tu sauras l’homme (proverbe bantou)

Un mollah, un prêtre et un moine bouddhiste ne se comprendraient peut-être pas. mais à mélanger des citations de Maître Eckart, Al Hallaj et Wou Men, il risque d’être difficile de les remettre en place.

Pendant quelques heures j’ai cru que le mot “câliner” était inscrit dans une loi de la République française. C’était “calmer”. Somme toute, c’est bizarre aussi.

La différence entre tous et chacun. Malgré tout.

La laïcité est une valeur contingente, c’est-à-dire que sa valeur et son efficacité sont limitées dans le temps et dans l’espace. Au XIe siècle, quand la féodalité s’est mise en place et que l’Église a entamé sa lutte pour pour établir la paix en créant un pouvoir centralisé, elle aurait été un facteur de régression.

L’Église a mis en place au Moyen Age un pouvoir central, qui ensuite s’est débarrassé d’elle aux Temps modernes.

Qu’est-ce qu’être sympathique ? Aider les gens ou leur parler ? Leur montrer qu’on les aime ?

Le regard de l’autre porte la mort.

Cocaïne et fanatisme religieux. Les seules armes du tiers-monde. Indignation morale des belles âmes.

La démocratie ne requiert pas plus la république que la république ne suppose la démocratie.

1976, des amis me font lire une BD dans laquelle apparaissent tous les princes charmants de contes de fées. Le dernier est Louis Leprince-Ringuet, physicien français et défenseur de l’énergie nucléaire. 1979, je comprends l’astuce. Il m’arrive d’être plus lent.

L’Histoire humaine, ni progrès, ni évolution, simple changement.

Le progrès ? En fait nous sommes en équilibre. Ce qu’on gagne d’un côté, on le perd de l’autre. La balance reste stable.

Ce en quoi on croit tout en sachant que ça n’est pas vrai.

Lucien Febvre, dans Le Problème de l’incroyance au XVIe siècle, tente de démontrer que puisque tout (l’esprit, les sens, la vie quotidienne,…) étant à la Renaissance différent par rapport au monde moderne, c’est-à-dire noyauté par la foi chrétienne, l’incroyance y était impossible. Mais ce faisant il prend l’incroyance au sens moderne. Ne pourrait-elle pas, comme tout le reste, avoir été différente au XVIe siècle ?

Force des USA : vendre leur société et leur économie sous le masque des marginaux que cette économie et cette société rejettent.

Les USA, pays des droits de l’homme. À condition que l’homme ne soit ni noir ni portoricain ni chilien ni vietnamien… Il existe un mot pour cela, White Anglo-Saxon Protestant, WASP, la guêpe. Les droits de l’homme aux USA, ce sont les droits de la guêpe.

Nous exigeons des autres qu’ils soient rationnels et absolument logiques et nous réservons le droit de vivre nos contradictions et notre désir.

La culture de l’image, pas d’esprit critique vraiment, pas de connaissance du référent, émotion et non information.

La seule place des droits de l’homme est celle qui leur a été assignée par Romain Rolland, “au-dessus de la mêlée”.

L’universalisme est une valeur occidentale. Penser qu’une valeur est universelle revient donc à affirmer son particularisme occidental.

Nous vivons dans un monde non égoïste. Tous ne pensent qu’à ce qui n’est pas eux. Je n’oppose pas ici l’être et l’avoir, que rien n’oppose, mais l’individu et ses miroirs, ses procurations.

Il n’y a pas d’accélération de l’Histoire. Seule la surface des choses va vite. En dessous la réalité marche par cycles. Et encore ne fait-elle que révéler que dans la profondeur du temps les eaux sont immobiles.

En grec la vérité s’oppose à l’oubli.

Être fidèle à la lettre et traître à l’esprit.

La contradiction est nécessaire là où l’on ne peut d-s’accorder avec soi-même qu’au niveau du médiocre. Il s’agit de ne pas être logique avec soi-même.

Vu une petite fille (10 ans) et sa grande sœur (17-18). Deux visages qui se ressemblent exactement, le même. Mais l’un enfant et l’autre adulte. Qu’est-ce qui les différencie ? Réponse du dessinateur : le visage de l’enfant n’a pas de lignes, seulement des volumes. La seule ?

Ma fascination et mon incompréhension dans la théorie de l’évolution : le moment où ça change, où ça bascule. Est-ce un moment d’équilibre parfait ? En histoire le rôle de l’événement est d’ôter tout mystère à cet instant.

Pas de violence, pas d’amour, pas de sentiments. Rien que des forces, formules en blanc que le réel remplit pour nous. Énergies sans but et sans chemin. Dans le même moment elles créent le réel. Il n’y a que des regards.

Il n’y a pas de source de l’exploitation. On ne peut la fixer. Elle n’a ni source ni but.

On exige des chanteurs, et autres artistes de spectacle, qu’il vivent en accord avec ce qu’ils chantent, créent. on a donc à leur égard une double exigence insoutenable. On demande qu’ils soient fidèles à eux-mêmes et que cette fidélité prenne comme bas une masque. et à côté de ça on tient à ce que les clowns soient tristes chez eux.

La courbure des choses.

Je suis fait, défait, refait.

Le labyrinthe, espace ouvert et fermé, qui ne s’ouvre que pour mieux vous enfermer.

Ici l’espace est défini traditionnellement en trois dimensions, et deux directions pour chacune, longueur (devant-derrière), largeur (droite-gauche), profondeur (haut-bas). Système de repérage clos et limité. Refuser ces trois dimensions, définir l’espace selon d’autres normes (l’heure des aviateurs pourrait être l’embryon d’un nouveau système) ou bien lui substituer un espace ouvert non défini (l’infini comme un point/l’indéfini comme un labyrinthe).

L’abstrait, c’est ce qui n’a pas de racines dans la profondeur d’une réalité individuelle ou sociale.

Exemples d’abstrait en action : le concept de pays, de nation. Il est fondé sur une notion de frontière qui n’a aucun sens, aucune justification de quelque ordre que ce soit (les frontières dites naturelles coupent en deux le même massif montagneux ou la largeur d’un fleuve). eE pourtant passée la frontière, on se retrouve dans un univers différent, une culture autre. L’abstrait s’impose, construit le réel.

Dans un poème, le jeu d’un instrumentiste, toute forme d’art, n’entre aucune technique. Tout est rapport à l’être. Ou bien, et c’est la même chose, tout est technique.

Les sociologues se trompent en ramenant toute réalité à un rôle social alors que beaucoup sont en l’air, détachées.

Inauthentique : ce qui accepte, revendique, utilise, profite de l’abstrait.

Les valeurs ne sont pas détruites mais inutilisables. Chaque chose, chaque être présente plusieurs faces, plutôt même un chatoiement qui interdit le jugement.

Femmes misogynes.

La politique camoufle le pouvoir, s’installe comme un leurre. Cela est sa fonction, elle n’a pour fin qu’elle-même.

Être apolitique, irresponsable inorganisé. Accessoirement aussi refuser tous les attributs du sujets.

Toute œuvre “récupérée” portait en elle-même les germes du processus.

Le pouvoir ne procède pas forcément de haut en bas. Il peut s’étendre comme une épidémie, ou comme de l’eau sur un terrain plat (publicité, mode, bon sens,…)

On confond plusieurs choses quand on parle de religion.

  1. Le sentiment religieux qui est un désir de sacraliser un espace-temps.
  2. La “philosophie” d’une religion, sa conception du monde.
  3. Les Églises et la pensée morale qu’elles imposent.
  4. Les signes (symboles, rituels, rites, objets)
  5. Les personnes qui pratiquent cette religion
 
Free Joomla templates by Ltheme